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Avec « Jean-Chat voit dans le noir », sur Arte Radio, Sabine Zovighian signe un merveilleux conte sonore

ARTE RADIO – À LA DEMANDE – PODCAST
Il était une fois Arte Radio qui, après avoir fêté ses 20 ans (en 2022, au Palais de Tokyo, à Paris), a lancé sa première fiction quotidienne (La Chute de Lapinville, imaginée par Benjamin Abitan, Wladimir Anselme et Laura Fredducci) et remis le reportage au goût de l’oreille (Gonzo Parano, de Jack Souvant), inaugurait son flux jeunesse.
Né juste avant l’été, « Polissons » (nom dudit flux) commençait par ce que l’on peut rêver de meilleur pour les petites oreilles : L’Ile aux Blablas, un podcast écrit et imaginé par Claude Ponti (l’auteur enchanteur de livres pour enfants) et sa fille Adèle Ponticelli, mis en ondes par la si douée Sabine Zovighian. C’est d’ailleurs elle (et, comme nous le confirmait Perrine Kervran, qui a succédé à Silvain Gire à la tête d’Arte Radio en 2023) qui chapeaute le versant fiction de ce flux jeunesse − lequel propose aussi, depuis début août, un versant documentaire (en réalité, ce sont plutôt des témoignages à la première personne que l’on peut retrouver sous la bannière « Le jour où »).
Une idée polissonne bien sentie alors que « l’auditoire d’Arte Radio a grandi et vieilli », comme l’explique Perrine Kervran. Une envie aussi des membres de l’équipe (notamment de Chloé Assous-Plunian, chargée de production) de proposer des contenus audio de haute qualité aux plus jeunes. Envie plus que louable alors que d’aucuns, ayant compris que l’audio était une alternative aux écrans plus facile à faire avaler aux consciences parentales, abreuvent désormais les magasins de jouets de conteuses à contenus parfois médiocres.
Bref, ce flux jeunesse estampillé « Arte Radio » est une excellente nouvelle, et savoir Sabine Zovighian en tête du pôle fictions, l’assurance d’une qualité rarement égalée − que l’on songe à son exceptionnelle Cornebidouille ou à La Dernière Nuit d’Anne Bonny, merveilleuse de trouvailles et délicieuse à l’oreille.
Elle propose aujourd’hui Jean-Chat voit dans le noir, une histoire qu’elle a imaginée en mots (illustré par Nathaniel H’Limi, l’album vient de paraître à L’Ecole des loisirs) et en sons. Et c’est absolument merveilleux − tendance miraculeux et talent véritable − comment elle réussit à nous embarquer le temps d’une histoire. Et il faut bien dire « nous », car même les plus grandes oreilles prennent plaisir à l’écouter.
Mais, justement, tendons l’oreille. La musique, aussi douce qu’une veilleuse, nous invite à l’abandon et à la rêverie. Cela commence un soir, quand, « bientôt, le ciel sera tout noir ». C’est l’heure, pour les enfants, de se brosser les dents avant d’aller se coucher. L’heure aussi, pour les écoutilles, de se réveiller aux sons d’un concert de gargarismes vitaminés. Pourtant, ce soir, Hector n’a pas le cœur à se laver les dents : il a perdu Jean-Chat, son chat tout gris, très doux et un peu gros. Que tout ça, c’est à cause d’une mouche (« les mouches rendent les chats idiots »). La voix de la narratrice (Sabine Zovighian elle-même) se fait douce : elle dit que Jean-Chat protège Hector des monstres, des cauchemars et des méchants dans les histoires.
Mais voilà que, de nouveau, le rythme s’accélère : disruptif, il se fait même aventureux quand Hector décide de retrouver Jean-Chat. Et les auditeurs d’imaginer (voire de se prendre pour et de devenir, le temps de cette histoire si bien contée) ce petit garçon qui attrape sa longue-vue de pirate et son lasso et part, pieds nus et en pyjama, à la recherche de son si cher chat.
Disons alors combien c’est beau et poétique. Qu’il y a un savant mélange de rebondissements et de respirations. Qu’avec une intelligence, une exigence et un talent rares, Sabine Zovighian aura réussi à nous faire vivre une belle aventure (même au coin de la rue, mais avec guinguette), à nous faire peur (un peu) et à nous rassurer (beaucoup). Que, par une compréhension particulièrement sensible de la matière sonore (avec, au sound design et au chant, Grégoire Terrier et Michael Liot), elle parvient à produire non seulement du sens mais des émotions, et que c’est tout un monde (et quelques souvenirs) qui se déploie (nt) à l’écoute de cette histoire.
On l’a réécoutée, encore et encore, en attendant que la collection fiction de « Polissons » ne vienne s’enrichir grâce à L’Envol d’Osvaldo, de Thomas Baas (mise en ligne le 2 octobre), et à La Ballade de la baleine, de David Lescot (début décembre) − dont Sabine Zovighian avait déjà adapté Les Glaciers grondants pour France Culture.
Jean-Chat voit dans le noir, podcast de Sabine Zovighian, réalisé par Sabine Zovighian et Samuel Hirsch (Fr., 2024, 18 min).
Emilie Grangeray
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